La reprise de logement représente une des rares exceptions à ce qu’on appelle le droit au maintien dans les lieux du locataire. Elle donne droit au propriétaire de ne pas renouveler le bail d’un logement pour pouvoir y loger soit son fils, sa fille, son père, sa mère ou lui-même. Il peut aussi le reprendre pour tout autre membre de sa famille, mais à condition qu’il en soit le principal soutien.
Si le propriétaire veut reprendre le logement d’un locataire, il doit l’aviser par écrit au moins six mois avant la fin du bail à durée fixe. Pour les baux de six mois ou moins, le délai de l’avis est d’au moins un mois. Pour un bail à durée indéterminée, l’avis doit être remis au moins six mois avant la date prévue pour la reprise. L’avis doit identifier la personne pour qui le propriétaire désire reprendre le logement, ainsi que son lien avec le propriétaire.
Le locataire a le droit de s’objecter à la reprise s’il considère que le propriétaire tente d’utiliser son droit de reprise à d’autres fins que celles qui sont précisées sur l’avis de reprise. Il peut aussi s’objecter s’il considère qu’il a droit à un dédommagement et que le propriétaire refuse de lui en accorder dans un processus de négociation. Le locataire a un mois pour faire connaître son intention au propriétaire. Il est à noter que, contrairement aux avis de renouvellement de bail, une absence de réponse du locataire signifie un refus de quitter le logement à la fin du bail.
Si le locataire s’objecte à la reprise, le propriétaire aura un mois à partir de la date du refus pour demander à la Régie l’autorisation de reprendre le logement. Le propriétaire aura alors, au moment de l’audition, à démontrer qu’il a réellement l’intention de reprendre le logement pour la personne identifiée sur l’avis de reprise remis au locataire.
Le locataire, pour éviter la reprise pourrait faire valoir, si c’est le cas, que le propriétaire a d’autres logements semblables dans le même secteur, au loyer équivalent et qui sont disponibles pour la date prévue de la reprise.
Certains logements ne peuvent faire l’objet d’une reprise. C’est le cas entre autres si le propriétaire est une compagnie immobilière, ou s’il y a plus d’un propriétaire de l’ensemble de l’immeuble (copropriété indivis), à moins qu’il ne s’agisse de deux conjoints.
Lorsque la Régie accorde le droit au propriétaire de reprendre le logement, le tribunal peut accorder au locataire qui en fera la demande, un dédommagement. Même si ce dédommagement n’est que « discrétionnaire », le tribunal de la Régie accordera une indemnité au locataire qui est préparé adéquatement. En fait, il s’agit pour le locataire d’obtenir un estimé écrit des frais de déménagement d’une compagnie de déménagement reconnue et d’établir la liste des frais directs reliés à son déménagement (transfert Hydro, Bell, changement d’adresse Poste-Canada, câble, Gaz Métropolitain, etc.).
La rareté persistante des logements à louer constitue un facteur important de pression à la hausse sur les loyers car les locataires à la recherche d’un logement n’ont souvent pas le choix que d’accepter de signer un bail à fort coût pour s’assurer d’avoir un toit sur la tête. Et comme il est beaucoup plus facile pour un propriétaire d’augmenter abusivement le loyer lors d’un changement de locataire que dans le cadre d’un renouvellement de bail, plusieurs propriétaires sont tentés de chercher à obtenir le départ de leur locataire afin de relouer le logement beaucoup plus cher. La reprise de logement constitue une des manœuvre souvent utilisée par un propriétaire qui cherche à se « débarrasser » de son locataire.
Malgré les mesures de contrôle, le constat des comités logement est que la Régie du logement accorde trop facilement les reprises de logement malgré les fortes apparences de mauvaise foi du propriétaire dans bien des cas. Il est bien sûr possible pour un locataire qui aurait perdu son logement suite à une reprise de logement de mauvaise foi de poursuivre son ancien propriétaire pour obtenir des dommages, cependant peu de locataires s’embarquent dans une telle démarche. Souvent le locataire a tourné la page et ne veut plus rien avoir à faire, ni de près ni de loin, avec cette mésaventure. Aussi, les dommages que la Régie accordera au locataire évincé de son logement ne sont pas assez sévères et ont bien peu d’effet dissuasif, compte tenu de la rentabilité possible de la mise en location illégale, à fort coût, suite à une reprise de mauvaise foi.